Print this page

Comment réduire le déficit public ?

Par François Ecalle, Président de FIPECO

Le déficit public de la France représentait 2,7 % du PIB en 2017, ce qui nous plaçait au quatrième rang de l’Union européenne. Le Gouvernement prévoit qu’il restera à peu près au même niveau en 2018 et 2019 et diminuera ensuite assez nettement pour revenir à 0,3 % du PIB en 2022. La dette publique serait ainsi ramenée de 98,5 % du PIB fin 2017 à 92,7 % fin 2022.

Cette réduction du déficit entre 2017 et 2022 résulte cependant pour moitié d’une croissance économique supérieure à la « croissance potentielle » envisageable à moyen-long terme et pour moitié de mesures « structurelles » (indépendantes de la conjoncture) de redressement des comptes publics. Or nous ne devons pas compter sur la croissance de l’activité économique pour maîtriser nos finances publiques car elle ralentira inévitablement et il y aura très probablement de nouvelles crises. Si le scénario macroéconomique des années 2008 à 2012 se reproduisait sur la période 2019-2023, le déficit public remonterait à 5 % du PIB et la dette se situerait entre 115 et 120 % du PIB en 2023.

La réduction de la composante « structurelle » du déficit public prévue par le Gouvernement est insuffisante pour maîtriser durablement notre endettement et elle est d’ailleurs également insuffisante au regard des règles budgétaires européennes. Elle doit être plus forte et il n’y a que deux solutions pour diminuer ce déficit structurel : augmenter les prélèvements obligatoires, impôts et cotisations sociales, ou baisser les dépenses en faisant des économies.

La France étant au premier ou au deuxième rang de l’OCDE pour le taux de ses prélèvements obligatoires, il n’est plus possible de l’augmenter sans dégrader la compétitivité de nos entreprises et l’attractivité de notre territoire. En outre, le consentement à l’impôt semble s’éroder.

Il faut donc plutôt baisser les impôts et cotisations sociales, mais seulement après avoir réduit encore plus fortement les dépenses publiques car il est beaucoup plus facile de diminuer le taux des prélèvements obligatoires que de faire des économies. La programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 est à cet égard critiquable car les baisses d’impôt sont prévues surtout en début de période et les économies plutôt en fin de période, à un moment où les campagnes électorales les rendront plus difficiles. La suppression de la taxe d’habitation, notamment si elle est étendue aux 20 % des ménages les plus riches, est particulièrement regrettable car elle a un coût très élevé et cet impôt aurait dû et pu être réformé pour être assis sur la vraie valeur vénale des logements.

Pour réduire les dépenses publiques, il faudrait d’abord arrêter d’en créer de nouvelles. Au cours de ce quinquennat sont, par exemple, prévus la création d’un service national universel, la suppression du reste à charge sur les soins dentaires, un nouveau grand plan d’investissement, un nouveau plan de lutte contre la pauvreté, l’augmentation du budget militaire, l’extension de l’assurance chômage à de nouveaux bénéficiaires, des créations de postes dans les services judiciaires et de police… Tous les gouvernements ont créé des dépenses nouvelles ou augmenté des dépenses existantes, la France ayant une certaine propension à régler tous les problèmes par des dépenses publiques. Il faudrait au moins que tout nouvel euro dépensé soit gagé par une économie clairement identifiée.

Au-delà de ce principe, les voies et moyens de la réduction des dépenses diffèrent d’une administration publique à l’autre (collectivités locales, Sécurité sociale, Etat).

Les collectivités locales ont une autonomie garantie par la Constitution et l’Etat ne peut donc pas leur imposer des économies, mais il peut éviter de leur demander de nouvelles dépenses (le dernier plan de lutte contre la pauvreté repose en partie sur les collectivités locales, par exemple pour assurer une quasi-gratuité des repas dans les écoles).

L’Etat peut également réduire les ressources qu’il leur apporte. Les études économiques montrent en effet que les dépenses des collectivités locales sont largement déterminées par ses concours financiers et la baisse de ses dotations au cours du quinquennat précédent a d’ailleurs été efficace. Les collectivités locales ont réagi d’abord en réduisant leurs investissements, loin d’être tous nécessaires, puis en diminuant leurs dépenses de fonctionnement. Les effectifs de la fonction publique territoriale ont baissé, pour la première fois, en 2015 et 2016 et son temps de travail a augmenté.

Le Gouvernement actuel emploie une méthode plus douce, en s’engageant à stabiliser les dotations de l’Etat en contrepartie d’une très faible progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, mais il n’est pas sûr qu’elle soit aussi efficace.

S’agissant des retraites, la création d’un système universel est bienvenue mais il ne pourra être mis en œuvre que dans le très long terme. A un horizon plus proche, un recul de l’âge de départ est souhaitable, non seulement pour réduire le montant des pensions versées mais aussi pour augmenter la croissance potentielle de l’économie française.

S’agissant de l’assurance maladie, le plan Ma Santé 2022 va dans le bon sens, mais s’inscrit lui aussi dans le long terme. Les économies potentielles ne se concrétiseront pas avant 2022 et, en attendant, il faudra maintenir les mesures habituelles visant à limiter les prix des biens et services médicaux, à développer la chirurgie ambulatoire ou encore à améliorer la pertinence des prescriptions. La participation financière des ménages pourrait être accrue après avoir mis en place un « bouclier sanitaire » plafonnant les restes à charge laissés par l’assurance maladie obligatoire en fonction de leur revenu.

S’agissant de l’assurance chômage, au lieu d’essayer vainement de vérifier si les chômeurs effectuent des « actes positifs et répétés de recherche d’emploi » et acceptent les « offres raisonnables », il serait plus efficace de réduire progressivement dans le temps leurs allocations avant qu’ils ne basculent dans le système de solidarité.

La masse salariale, hors contribution au financement des pensions, forme plus du quart du budget de l’Etat et les dépenses de fonctionnement en représentent presque 20 %. Le Gouvernement a annoncé la suppression de 50 000 postes sur cinq ans, dans les services de l’Etat ou de ses opérateurs, ce qui correspond à 2 % des effectifs. Maintenir le même niveau de service public dans ces conditions revient à réaliser des gains de productivité de 0,4 % par an, ce que des réorganisations et l’utilisation des nouvelles technologies devraient permettre.

Les effectifs ne peuvent cependant être réduits qu’en ne remplaçant pas des départs en retraite et ceux-ci n’ont pas toujours lieu dans les services en sureffectif. Il faut donc redéployer les agents publics, ce que la relativement faible mobilité des fonctionnaires ne permet pas souvent. Le Gouvernement cherche à contourner cet obstacle en incitant financièrement les fonctionnaires à partir et en ouvrant plus largement le recours aux contractuels. Les obligations de mobilité des fonctionnaires, qui peuvent être considérées comme une contrepartie de l’emploi à vie, pourraient également être renforcées.

Les interventions (prestations sociales, subventions et autres transferts) représentent un autre quart du budget de l’Etat. Les comparaisons internationales montrent qu’elles sont plus élevées que dans les autres pays européens et les rapports des organismes de contrôle (Cour des comptes, inspections…) mettent régulièrement en évidence la faible efficacité de beaucoup d’entre elles. Il n’est donc pas nécessaire de les évaluer une nouvelle fois et de relancer des concertations avec les parties prenantes qui ont souvent déjà eu lieu autour de ces rapports. Il faut avoir le courage de les supprimer ou de les réduire, sachant que tout euro de dépense publique va sur le compte d’une personne physique ou morale. 


www.fipeco.fr